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22.07.2024
#MACROECONOMIE

Le terme “7 Magnifiques” est-il encore d’actualité ?

Edmund Shing, Global Chief Investment Officer - BNP Paribas Wealth Management

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Messages clés

1.Les marchés d’actions mondiaux et américains sont trop concentrés, ce qui représente un risque élevé : les 7 Magnifiques représentent près de 36 % de l'indice S&P 500 et près de 23 % de l'indice MSCI World. Ce record de concentration constitue un risque important pour les investisseurs.

2.Des valorisations élevées et un excès de popularité conduisent généralement à de faibles performances à long terme : d’importants afflux de capitaux vers des ETF d'actions américaines et une hausse des valorisations des 7 Magnifiques à un ratio cours/bénéfice prévisionnel de 34 reflète l’engouement pour les méga-caps technologiques. Mais, historiquement, les actions populaires très valorisées ont généré de mauvaises performances à long terme.

3.Il est très difficile de prévoir la fin d'une phase euphorique : l’histoire suggère qu'il est presque impossible de prévoir la fin d'une euphorie des marchés boursiers. Réduire son exposition au « phénomène » IA permet une plus grande diversification du portefeuille.

4.L'abondance du capital investi dans l’IA reflète une forte concurrence et une baisse de la rentabilité : investir dans les entreprises dominantes de l'IA est une stratégie gagnante. Mais il est difficile de prévoir si les sociétés qui investissent massivement dans l’Intelligence Artificielle obtiendront finalement des rendements élevés.

5.Il est temps de diversifier les portefeuilles d'actions américaines et internationales : nous préférons diversifier les investissements dans d'autres segments, tels que les petites et moyennes capitalisations. Nous recommandons également de privilégier des actions hors États-Unis, notamment en Europe et au Royaume-Uni, au Japon et sur les marchés émergents hors Chine (par exemple, en Corée du Sud). 

 

La technologie domine notre monde

Les 4 phases de la révolution technologique

Depuis les années 90, la technologie a envahi notre vie professionnelle et personnelle.

PC - La révolution technologique a débuté avec des applications logicielles pour ordinateurs telles que Lotus 1-2-3 et WordPerfect.

Internet – L'adoption d’internet à l'échelle mondiale à la fin des années 90 est venue amplifier cette révolution grâce à l'installation de réseaux de fibre optique de grande capacité pouvant transporter d’importants flux de données.

Smartphones - Le lancement des smartphones, notamment le premier iPhone en 2007, a mis la révolution technologique à portée de main, grâce à la généralisation de l’internet mobile. Aujourd'hui, nous vivons dans un monde où il est de plus en plus difficile de se déconnecter du numérique, compte tenu de nos dépendances aux médias sociaux et au shopping en ligne.

IA - Nous sommes aujourd’hui confrontés à une quatrième révolution technologique, avec l’engouement autour de l’Intelligence Artificielle (IA). Bien que l'IA existe depuis plusieurs décennies, l'essor exponentiel des données sur internet et une informatique puissante ont contribué à une  importante avancée technologique.

Risques - En août 2023, le cabinet de conseil Gartner a placé l'IA générative (notamment ChatGPT) au sommet de son « Hype Cycle », soit le « pic des attentes exagérées ».

La montée en puissance des 7 Magnifiques

Les leaders de l’IA sont les plus grandes entreprises technologiques américaines : Microsoft, Apple, Google (Alphabet), Meta (anciennement Facebook) et Amazon. Nous pouvons ajouter à cette liste, Nvidia, entreprise leader fournissant la puissance informatique nécessaire aux modèles d'apprentissage de l'IA.

Les 7 Magnifiques ont vu leurs bénéfices progresser de près de 1200 % au cours des 8 dernières années, avec une croissance moyenne de leurs bénéfices de 36 % par an. Au cours de la même période, leurs cours ont également augmenté de 1450 % au total, soit en moyenne 40 % par an.

Suite à cette croissance importante du chiffre d'affaires, des bénéfices et des cours des actions, ces entreprises représentent à elles seules 35,5 % de l'indice américain S&P 500. Il s'agit là d'un niveau historiquement élevé en termes de concentration sur une poche restreinte de valeurs.

Justifiée jusqu'à présent par la croissance des bénéfices, mais pas par l'IA

Parmi ces 7 sociétés technologiques, celle qui a connu une forte croissance du chiffre d'affaires et des bénéfices grâce à l’IA est Nvidia.

Les 6 autres affichent également une forte croissance des bénéfices et maintiennent des marges extrêmement élevées, mais pas grâce l'IA, mais plutôt en raison de leurs activités technologiques oligopolistiques à l'échelle mondiale. 

 

Jusqu’à quand va durer cette euphorie IA ?

Prédire la fin de l’euphorie est difficile

Il est toujours dangereux d'essayer de prédire la fin d’une euphorie. L'histoire nous enseigne que ces tendances extrêmes peuvent persister plus longtemps en raison de considérations psychologiques et sociales.

Il y a plusieurs points à souligner.

• Les meilleures performances sont souvent dues à des  tendances du moment : seul Nvidia réalise actuellement d’importants bénéfices grâce à l’engouement de l'Intelligence Artificielle. L’entreprise de semi-conducteurs vend les processeurs  les mieux adaptés aux grands modèles d'Intelligence Artificielle et de machine learning. Les autres sociétés technologiques réalisent des bénéfices exponentiels grâce à des activités plus traditionnelles comme les logiciels de bureau, le cloud computing, la publicité et les achats en ligne, plutôt que de se baser explicitement sur l'IA.

• Les valorisations élevées laissent entrevoir des perspectives bénéficiaires trop optimistes : la valorisation de ces 7 Magnifiques a atteint des niveaux extrêmes à un PER estimé à 34x. Cela représente le double du ratio cours/bénéfice des 493 entreprises restantes de l'indice S&P 500, qui se négocient à un PER bien plus modeste de 19 fois.

• Le thème de l'IA est-il devenu trop populaire ? Les flux vers ces 7 valeurs technologiques ont sans aucun doute été amplifiés par la popularité croissante des Exchange Traded Funds (ETF) qui répliquent des indices boursiers tels que le S&P 500 et le Nasdaq 100. Les investisseurs ont suivi la forte progression de ces indices, dont plus de 60 % est due aux 7 Magnifiques. En conséquence, 4 ETFs cotés aux Etats-Unis basés sur les indices S&P 500 ou Nasdaq 100 ont recueilli un montant de 100 milliards de dollars de nouveaux flux de capitaux au cours des 6 premiers mois de l'année.

En tant qu'investisseur, traiter l'IA avec prudence

Nous sommes persuadés que l'IA aura un effet profond sur les entreprises et sur notre vie personnelle au cours des prochaines années. Mais dans le passé, l’adoption de technologies révolutionnaires comme les chemins de fer, la radio, le PC et même l’internet a été un processus de long terme. Les investisseurs sont aujourd’hui impatients de voir les résultats à court terme de ces évolutions technologiques. Toutefois, il faut de nombreuses années aux entreprises et aux consommateurs pour comprendre comment tirer parti de ces innovations au sein de leur propre entreprise ou  de leur propre vie.

Dans le même temps, nous restons sceptiques sur la pérennité des revenus importants que ces entreprises peuvent réaliser grâce à l'IA. En général, des bénéfices élevés sont générés dans des secteurs où le capital est rare.

A l'inverse, nous observons aujourd'hui des montants importants investis dans l'IA par des entreprises publiques et privées. Cela laisse à penser qu’il y aura une concurrence importante entre les différents modèles d'IA et les logiciels dédiés.

Ainsi, les bénéfices finaux qui pourraient découler de cette vague massive d’investissements risquent de décevoir les investisseurs, qui ont intégré dans les cours actuels des attentes élevées de croissance future des revenus liés à l'IA.

L'heure est à la diversification des portefeuilles actions

Nous préférons diversifier les placements sur les marchés d’actions dans d'autres segments du marché américain comme les petites et moyennes capitalisations. Nous recommandons également l'investissement dans des actions hors États-Unis, notamment en Europe et au Royaume-Uni, au Japon et sur les marchés émergents hors Chine (en privilégiant le marché sud-coréen fortement technologique).